La vie après la mort

25 septembre 2023 - Philippe Marois

Dans un boisé de Bécancour, au Québec, une enceinte hautement sécurisée protège une vingtaine de cadavres humains. Les corps se dégradent lentement, posés sur le sol. Chaque jour, une dizaine de chercheurs et de chercheuses de l’Université du Québec à Trois-Rivières observent attentivement leur décomposition.

Le site REST[ES] (Recherche en Sciences Thanatologiques, Expérimentales et Sociales) est un lieu unique au Canada. Et il en existe seulement quelques autres dans le monde, aux États-Unis et en Australie. L’objectif de ces sites est de comprendre comment se décompose un corps humain en pleine nature.

Tombeau qui protège un corps en décomposition dans la nature
Photo : UQTR

Le processus de décomposition varie énormément selon les conditions météo. Les observations faites dans les climats secs et chauds des États-Unis ne nous sont donc pas très utiles.

«Comment s’opère la décomposition dans le climat continental humide du Québec? Après quelques mois, reste-t-il des tissus mous ou seulement des os? On ne le savait pas», explique la Dre Agathe Ribéreau-Gayon, anthropologue médico-légale qui mène des recherches sur le site.

Ainsi, depuis trois ans, des donateurs et des donatrices de partout dans la province ont accepté que leur corps serve au projet de recherche. Les dépouilles reposent en forêt, dans des petites cages qui les protègent des animaux. Le site, entouré de clôtures électrifiées, de barbelés et de caméras de sécurité, est strictement réservé aux scientifiques qui viennent y faire des observations et des prélèvements.

Le passé décomposé

Pourquoi étudier tous ces détails post-mortem? Pour aider aux enquêtes policières! Lorsqu’une dépouille humaine est découverte en forêt, il importe de déterminer avec précision depuis combien de temps elle s’y trouve. A-t-elle été déplacée? Les trous dans la peau ont-ils été causés par une arme ou par des insectes après le décès? Pour faire ces déductions, il faut savoir comment un corps se décompose dans le climat québécois, à quelle vitesse, et quels indices peuvent être dénichés sur le cadavre pour l’identifier.

Ces travaux de recherche peuvent paraître macabres, voire dégoûtants. Mais selon Agathe Ribéreau-Gayon, les stagiaires et les scientifiques qui visitent le site sont souvent surpris·es de la sérénité qui se dégage des lieux : «C’est une érablière. Il y a des fleurs, des fougères et plein d’autres plantes. C’est très joli de voir comment la vie occupe l’espace tout autour des corps au sol.»

Découvertes surprenantes de l’équipe

  • La décomposition se poursuit même lorsque le mercure descend sous zéro. Elle est simplement ralentie.
  • La peau s’assèche et colle aux os, comme sur les momies. Les scientifiques estimaient initialement que, dans un climat humide comme le nôtre, la peau se décomposerait rapidement.

4 jours après le décès
Le corps est gonflé, à cause de l’accumulation des gaz de décomposition.

2 semaines après
Plusieurs insectes et microbes s’activent, ce qui favorise la décomposition des tissus.

2 mois après
Le corps est quasiment vide. Il ne reste que la peau séchée sur les os.

Illustration bottes avec fleurs
Dreamstime

Une fin heureuse

Compost humain
Un nombre croissant de pays autorisent le compostage de corps humains. Le terreau qui en résulte est utilisé pour enrichir le sol dans des secteurs à reboiser. Parfois, il est plutôt remis à la famille pour cultiver des fleurs ou un potager.

Récif artificiel
Moyennant quelques milliers de dollars, un organisme floridien propose de mélanger les cendres du défunt avec du béton. Ces grands blocs sont ensuite
déposés au fond de l’eau afin que des coraux s’y fixent. Si les cendres n’ont aucun impact sur la fixation des coraux, l’initiative permet à tout le moins de financer la revitalisation des fonds marins.

Cours de médecine
Les manuels d’anatomie ne permettent pas aux médecins en formation d’apprivoiser chaque détail du corps humain. Plusieurs départements universitaires utilisent donc encore des cadavres, qui seront examinés et disséqués par la relève, en tout respect pour les personnes donatrices.

Tests de sécurité
Dans certains pays, des dépouilles humaines sont utilisées dans les tests de collision automobile

Donner son corps à la science

Le don d’organes et de tissus, on connaît bien. Mais saviez-vous que dès l’âge de 14 ans, vous pouvez choisir de donner votre corps à la recherche et à l’enseignement de la science, en cas de décès? Il suffit de signer une autorisation et d’en informer votre entourage.

Au Québec, des universités ainsi qu’un cégep gèrent ces dons avec dignité et respect. Une fois les travaux terminés, les restes sont incinérés, puis remis à la famille.

 

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